Jean Moulonguet dit Petit de Lanticq (1654-1733) épouse Jeanne Dexpers (†1680)

                                                                  I                                      remarié avec Catherine Caillau

                                                                  I

                 Jean Moulonguet dit Lanticq de Bas (1670) épouse Jeanne Dujac

                                                                  I                

                 Jean Moulonguet Moureu (1702-1771) épouse Jeanne Depierris Gabaix (†1780)  

                                                                  I          

                 Jean Moulonguet Moureu (1736-1801) épouse Jeanne Roze Lafitte (†1821)

                                                                  I

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                        I                                                                               I

Jean Moulonguet Moureu (1780-1849)                   Pierre André Moulonguet (1783-1857)

Marie Anne Duviau    - sans postérité                     Marie Duffau Bouscassé (†1863)


René Ancely écrit :

                  Il n’est pas possible de rechercher les origines de la famille Moulonguet au-delà de l’année 1654. Les documents d’état civil (registres paroissiaux) ne remontent, pour la commune de Vidouze, qu’à 1672. Quant aux minutes notariales, celles qui sont antérieures à cette date sont excessivement rares et parfois illisibles. Il faut donc limiter les recherches à la période des XVIIe et XVIIIe siècles, d’autant plus que le nom de Moulonguet étant très répandu dans la région, on risquerait d’opérer des confusions sur la branche que nous représentons.

                  Ce qui est certain, c’est que cette famille est originaire de Vidouze. C’est dans cette commune que nous trouvons le plus ancien représentant ; ce n’est qu’en 1810 qu’un cadet se mariera à Moncaup et y passera sa vie. L’aîné reste à Vidouze. Mais comme il y meurt sans postérité, ce sera la branche cadette, devenue béarnaise, représentée par Paul, qui passera branche aînée. Elle essaimera et enverra, à son tour, un cadet à Vidouze, Jean dit Fanfan, où il reprendra la place que les ancêtres occupaient depuis deux siècles, tandis que Paul restait à Moncaup. Les deux frères procréeront, par leurs mariages, de nombreux enfants qui formeront cette magnifique famille si estimée dans tous le pays et dont tous les membres sont si unis entre eux.

                  Les origines sont modestes. Les Moulonguet constituent une famille agricole. Ils s’intitulent dans tous leurs actes : « cultivateurs, travaillant en leur bien », selon la formule consacrée. Par leur travail acharné, par leur esprit d’économie, ils amasseront une petite fortune, acquise dans des conditions absolument normales et régulières. À partir du XIXe siècle, ils commenceront à s’intituler agriculteurs, et plus tard, propriétaires et notables du pays.

                  Une tradition de famille insinuerait que la fortune des Moulonguet proviendrait, en partie, d’un de ses membres qui aurait exercé sous le premier Empire, ou au moment de la guerre de 1814, la profession de commissaire des guerres ou une analogue. Nous n’avons trouvé, dans les documents d’archives que nous avons minutieusement compulsés, aucune trace de cette tradition. Il est donc vraisemblable que seuls, l’ardeur au travail, la ténacité du caractère et l’esprit d’économie qui se traduisent à chaque instant dans leurs tractations privées, les ont amenés à cette large aisance qui leur a donné, dans toute la région, un prestige et une renommée indiscutable et les ont amenés à exercer de père en fils, pendant de nombreuses années, les charges municipales de leur commune.

                  Par ailleurs, les recherches opérées par nous dans les archives notariales en ce qui concerne toutes les opérations financières des membres de la famille seront toujours forcément incomplètes. De 1670 à 1789, il y a beaucoup de registres perdus ; tous les dépôts des minutes de la région ne sont pas connus. Les testaments et les partages de famille, quand on en trouve, ne donnent pas d’indications suffisantes ; le testateur investit bien les enfants légataires de leur part légitime en la détaillant ; mais quand il institue l’héritier, il ne donne plus de précision et se borne à lui octroyer le surplus. Tous ces renseignements sont complétés par deux carnets de famille qui sont en notre possession, et où les chefs de la 3ème à la 5ème génération ont enregistré les prêts d’argent consentis par eux à leurs débiteurs.

                  Les terriers des XVIIe et XVIIIe siècles, pour Vidouze, donnent, à l’origine, quelques indications intéressantes ; mais la famille Moulonguet, ayant rapidement étendu son activité financière à toute la région, il est impossible de vérifier tous les actes qui ont été passés. Enfin, même dans les déclarations de succession récentes (la dernière date de 1849), on ne peut retrouver exactement tout le patrimoine des parties, notamment en ce qui concerne les prêts sous seing privé ; car l’habitude générale de dissimuler cette portion de leur fortune, obligeait les héritiers à remplacer les billets primitifs par de nouvelles reconnaissances souscrites à leur nom. C’était déjà une pratique courante à l’époque.

                  La présente étude ne pourra donc que donner des indications sur la vie et le patrimoine des ancêtres, malgré de minutieuses recherches auxquelles nous nous sommes livré pendant plusieurs années.

                  Nous n’avons pas l’ambition de présenter ici une historique détaillée de la famille Moulonguet. Elle sera forcément incomplète pour les raisons indiquées ci-dessus. Nous en retracerons les traits généraux en prenant un à un les divers chefs de famille qui se sont succédé en ligne directe. On comprendra facilement que jusqu’à l’année 1850 les renseignements recueillis se borneront à des actes d’état civil, à des contrats notariés vus plutôt dans leur ensemble, à des renseignements cadastraux, autrement dit à une image purement matérielle des Moulonguet. Par contre, dès l’avènement de Paul, Georges et de Jean dit Fanfan, il se mêlera agréablement aux actes de leur existence des souvenirs de famille qui les feront revivre dans une atmosphère plus sympathique et plus sensible. Cette étude sera complétée par des tableaux généalogiques où ne seront pas oubliés les alliés avec lesquels la famille a entretenu des relations cordiales et étroites.

René Ancely
René Ancely

  

I

 

                  Le premier ancêtre identifié s’appelle Jean Moulonguet dit Petit de Lanticq. Les dates de sa naissance et de son décès sont inconnues ; il a dû naître vers l’année 1654 puisqu’il est âgé de 29 ans au moment de son second mariage avec Catherine Caillau. Il vivait encore en 1732, car le 17 février il assiste au contrat de mariage de son petit-fils (Carde, notaire). Les actes de naissance de ses enfants et celui de son deuxième mariage établissent qu’il a contracté deux unions légitimes : en première noce (date inconnue) avec Jeanne Dexpers, née vers 1650 et décédée à Vidouze le 21 février 1680 à l’âge de 30 ans ; en deuxième noce le 30 juin 1683 à Vidouze avec Catherine Caillau. Deux enfants sont nés du premier mariage ; six du second (tableaux généalogiques 1 et 2). L’héritier qui constituera la descendance directe de la famille est né de Jeanne Dexpers ; il se nommera Jean dit Lantic de Bas et figurera au § II de cette étude.

                  L’existence de cette première race est corroborée par une transaction retenue par Carde, notaire à Vidouze, le 26 août 1744 entre Bertrand Anticq, fils du deuxième lit et ses neveux issus du premier lit : Jean Moulonguet Moureu, Catherine Pouchotte et Catherine Salles (tableaux généalogiques 2 et 3).

                  D’après un terrier de Vidouze qui date de 1667, Jean Moulonguet dit Petit de Lanticq possède à cette date : maison, parc, en un tenant qui confronte devant à chemin, dessus, derrière et debat à Piaix. La consistance de sa propriété est de 32 journaux, 1 quart et demy et 4 pugnères. La transaction du 26 août 1744 évalue sa succession à 880 livres.

 

II

                  Nous ne retrouvons pas l’acte de naissance de Jean dit Lanticq de Bas, fils du précédent. Il est vraisemblable qu’il est né avant 1672, date du premier registre paroissial à Vidouze. Il apparaît pour la première fois dans son acte de mariage qui est célébré à Vidouze le 23 juillet 1701 avec Jeanne Dujac. Son existence est corroborée par la transaction Carde, notaire, du 26 août 1744, citée au § précédent. La date et le lieu de son décès sont inconnus ; mais en 1728 il ne vivait plus, car dans le contrat de mariage de sa fille Catherine avec Jacques Salles, retenu à la date du 30 mai 1728 par le notaire Carde, celle-ci déclare qu’elle est la fille de feu Jean Moulonguet et de M. Dujac.

                  En tous cas, et à partir de ce moment, l’état civil de la commune de Vidouze va nous donner la nomenclature complète des enfants de Jean Lanticq de Bas et de Jeanne Dujac, sauf de l’aîné ; mais nous savons qu’ils sont au nombre de cinq : Jean Moulonguet Moureu, héritier et continuateur de la ligne directe ; François, né le 9 novembre 1703 qui ira se marier à Vauzé ; Catherine, née le 17 décembre 1705, mariée à jacques Salles, chirurgien à Vidouze ; Bernard, né le 17 février 1708 qui paraît être resté célibataire et une autre Catherine née le 1er avril 1710 , mariée à Jean Moulonguet Pouchotte.

                  Si nous n’avons pas, par les registres paroissiaux, la date exacte de naissance de l’aîné, nous savons par son contrat de mariage qu’elle peut être fixée à 1702. Il se marie, en effet, à Vidouze, le 19 février 1732, et son contrat de mariage, retenu par Carde notaire le 17 du même mois, lui donne sa filiation et son âge. Assistent, en outre, à ce contrat, Jean Moulonguet Antic, son grand père alors âgé de 88 ans, et une de ses sœurs Catherine.

                  A partir de la troisième génération, que nous allons examiner dans le § suivant, la famille Moulonguet change de demeure et de quartier. Il serait donc intéressant de préciser, avant cette mutation où se trouvait à Vidouze la maison Antic ou Lanticq. A l’heure actuelle, il existe encore dans la commune une maison Lantic qui paraît correspondre à l’emplacement de celle qui a dû être occupée par le premier représentant connu de notre famille. Cette maison se trouve sur le chemin qui mène au quartier Minet entre la maison Tarride et la maison Salles ; la confrontation qui en est faite dans le terrier de 1667 démontre également que le chemin passait bien « devant la maison ». Le fait que les deux filles de Jean Lanticq de Bas se sont mariées avec un Salles et un Moulonguet Pouchotte donne encore plus de vraisemblance à notre hypothèse ; car les familles Salles et Pouchotte habitent le même quartier à proximité immédiate de la maison Lantic. D’après les souvenirs de la famille Salles, il existait autrefois, de l’autre côté du chemin et, en face de l’immeuble Lantic, une autre construction appelée « Las Muraillos » bâtie en contrebas de ce chemin. Il est donc possible qu’au moment de son mariage avec Jeanne Dujac, Jean Lanticq de Bas ait habité cette construction, d’où le nom qu’on lui a donné pour le différencier de son père.

 

III

                  Nous arrivons ainsi à la troisième génération, représentée en ligne directe par Jean Moulonguet Moureu, né en 1702 dont il a été question au § précédent. Il se marie à Vidouze le 19 février 1732 avec Jeanne Depierris Gabaix ; le contrat a été retenu deux jours auparavant par Carde, notaire (voir le § précédent). On peut dire que le ciel a béni cette union, car les époux ont eu onze enfants qui s’échelonnent de 1733 à 1756 : six garçons portant tous le prénom de Jean, d’ores et déjà prédestiné à perpétuer dans la famille, et cinq filles. Les deux aînés, des garçons, décèderont prématurément et ce sera Jean, troisième né, qui assurera la perpétuité de la race en ligne directe (tableau généalogique n° 4). La mort frappera durement les parents, car au moment du décès de la mère, il ne subsistait plus que quatre enfants.

                  Jean Moulonguet Moureu n° 3 décède à Vidouze le 9 janvier 1771. On trouve, dans divers actes notariés, à partir du 27 juin 1769, qu’il ne peut plus signer à cause d’une faiblesse du bras et de la main droite ; dans son testament du 23 septembre 1768, il est déclaré qu’il est malade, au lit, et qu’il ne peut plus signer à cause de sa grande faiblesse et d’une paralysie survenue à son bras droit un an auparavant. Le 4 décembre 1770, son fils signe un acte à sa place pour les mêmes motifs et il meurt un mois après. Sa veuve lui survit neuf années et décède à Vidouze le 17 mars 1780.

                  Jean Moulonguet Moureu n° 3 est un de ceux pour lesquels il est le plus aisé de retrouver les tractations financières de sa vie ; compte tenu des actes inconnus que nous n’avons pu trouver pour les raisons indiquées dans le préambule de cette étude.

                  Un terrier de la commune de Vidouze datant du XVIIIe siècle attribue à sa propriété à la date du 15 décembre 1765 une contenance de 31 journaux un quart, un demi et deux pugnères. Dans cette contenance figure l’héritage de sa femme.

                  Dans l’espace de 36 ans entre 1734 et 1770, vingt-six actes notariés constatent qu’il a acheté trente pièces de terre pour un prix de 5677 livres. Les prêts d’argent s’élèvent à 12 078 livres se répartissant en 62 actes ; la moyenne des prêts est de 200 à 400 livres ; le chiffre de 1000 ne sera atteint qu’une fois.

                  En dehors de ces diverses constatations qui précisent déjà la consistance du patrimoine de Jean Moulonguet Moureu n° 3, nous constatons que de 1751 à 1770 le chef de famille prend à ferme, dans certains quartiers de la commune, la perception des fruits décimaux accordés par les règlements en vigueur, aux bénédictins de St Lézer, à l’abbé de Lareule, archidiacre du Montanérès, au curé de la commune. On sait qu’avant la révolution, les seigneurs du lieu, les abbés de certaines communautés, les curés de paroisse avaient le droit de percevoir sur les habitants de la commune ou de certains de ses quartiers des impôts spéciaux. Ils ne les recouvraient pas eux-mêmes et en accordaient le droit de perception à des habitants pour une somme fixe. Il est évident que ces petits fermiers ne se portaient adjudicataires que s’ils pouvaient retirer un intérêt pécuniaire de cette perception. Au XIXe siècle cette pratique était générale et on comprend que les bénéficiaires de ces dîmes aient été obligés de choisir leurs fermiers parmi les personnes les plus recommandables et les plus solvables.

                  Pour en terminer avec la situation financière de la famille à cette époque, il faut encore citer trois actes importants.

                  Le 14 février 1767, Jean Moulonguet Moureu n° 3 marie une de ses filles Marguerite avec un sieur Dexpers Peyroy. Le contrat de mariage retenu par Lamothe, notaire, n’est que du 22 février. Marguerite reçoit de ses parents : 1800 livres pour la remplir de sa légitime paternelle et maternelle ; il lui est, en outre, attribué un lit et un ameublement composé d’une paillasse d’étoupe, une couette et un coussin emplumés, une contrepointe garnie de laine, un tour de lit de burat vert garni, douze linceuls (draps de lit) dont six de lin et six en étoupe, trois douzaines de serviettes dont deux en lin et une en étoupe, une chemise, un habit complet de cap en pied suivant sa condition et son âge ; un cabinet en châtaignier à quatre portes et deux tiroirs fermés à clef (armoire) ; le tout évalué à 250 livres.

                  Si l’on songe qu’au moment de ce mariage, cinq frères et sœurs étaient vivants et y assistaient y compris l’héritier qui était toujours avantagé, on peut se rendre compte de l’aisance qui existait déjà dans cette famille.

                  Le 23 septembre 1768, Jean Moulonguet Moureu n° 3 fait son testament en présence de Lamothe, notaire. A ce moment, il reconnaît qu’il a encore cinq enfants vivants : 2 garçons et 3 filles. Après avoir rappelé que sa fille Marguerite Dexpers-Peyroy a déjà reçu sa part d’héritage par son contrat de mariage, il lui alloue un supplément de 200 livres qui lui sera payé à son décès par son héritier. Il accorde ensuite un légitime de 1200 livres à Jean cadet, Jeanne et Bertranne, et institue Jean aîné pour héritier.

                  Jeanne Depierris-Gabaix fait son testament chez Lamothe, notaire, le 4 octobre 1775 après la mort de son mari. A ce moment, il ne reste que quatre enfants vivants : deux garçons et deux filles. Marguerite Dexpers ayant déjà été dotée, Jean cadet et Jeanne reçoivent chacun 1600 livres et Jean aîné est institué héritier.

                  Nous avons vu, dès le début de ce paragraphe, que dès la 3ème génération, la famille Moulonguet abandonne son nom de Lanticq et prend celui de Moureu. Ce nom n’est pas l’apanage de Jean Moulonguet n° 3 seul, mais aussi celui de ses frères et sœurs ; il faut en déduire que c’est pendant l’existence de leur père Jean Lanticq de Bas que cette famille a changé de maison d’habitation et s’est transportée dans la maison Moureu. Nous n’avons trouvé aucun document nous permettant de savoir à quelle époque cette transplantation s’est effectuée, ni de quelle manière la maison Moureu est entrée dans le patrimoine de la famille. Cet immeuble a cependant une grande importance puisqu’il l’abritera encore jusqu’en l’année 1849.

 

IV

 

Jean Moulonguet Moureu, né à Vidouze le 23 novembre 1736, représente la 4e génération en ligne directe. De la mort de son père (1771) à son propre décès (1801), il administrera sa fortune pendant trente ans. Il se marie le 9 février 1779 avec Lafitte Jeanne, Roze de Ladevèze (Gers). Ils n’auront que deux enfants : Jean, né à Vidouze le 17 octobre 1780 ; Pierre André, né à Vidouze le 23 septembre 1783. Nous étudierons la vie de ses deux fils au § suivant. Le père de famille décède à Vidouze le 9 janvier 1801 et sa femme lui survit jusqu’au 13 février 1821.

                  Le patrimoine de la famille Moulonguet va encore s’augmenter sous l’administration de Jean Moulonguet Moureu n° 4. Le terrier de la commune, en l’année 1786, lui attribue une propriété d’une contenance de 49 journaux, trois quarts, demi et trois quarts de pugnères. En outre, il lui est attribué par ce cadastre, une maison dite de Larribau comprenant en plus borde, basse-cour, jardin et enclos achetée par police sous seing privé du 2 septembre 1779, à un sieur Coustau Larribau. Il est difficile de situer cet immeuble dans la commune ; il paraît résulter du cadastre de 1667 qu’il y avait des familles Coustau habitant le quartier Moulonguet, donc à proximité immédiate des maisons Lanticq et Moureu.

                  Les achats de terre effectués par Jean Moulonguet Moureu n° 4 se montent à 13 343 livres en 28 actes qui s’étagent de l’année 1771 à 1783, soixante et onze actes pour une somme globale de 53 400 F. Le montant des prêts individuels s’élève ; ceux entre 1000 et 2000 livres sont fréquents ; il y en a de 3000 et de 6000F.

                  En dehors de ces tractations normales, nous trouvons également des baux à ferme pris ou donnés par le chef de famille. Comme son père, il afferme au moins une fois les fruits décimaux de l’église de Lahitte (872 livres par an plus 120 livres pour huile de lampe). Le 10 brumaire an IX , il est fermier du moulin de Moncaup et le sous-loue à un sieur Cantirade. Le 13 nivôse an IX, il signe avec un sieur Broca un accord pour l’exploitation d’un moulin à Juillac qu’il a bâti lui-même. Cette construction lui a coûté 6680 F. A cette époque les moulins locaux avaient une grande valeur car ils assuraient (en l’absence des grandes minoteries qui ne se sont créées que beaucoup plus tard) la production des communes rurales. Enfin, à cinq reprises, Jean Moulonguet achète du bétail et le donne à cheptel à des agriculteurs des environs (bœufs, vaches, brebis). A cette époque, un troupeau de 50 brebis valait 210 livres (acte Lamothe, notaire au 2 brumaire an V).

                  Deux actes notariés vont nous donner une idée sinon plus précise, du moins plus particulière du patrimoine de la famille et de l’usage qui en était fait d’après les coutumes locales. Le premier est le testament du chef de famille retenu le 13 nivôse an IX (6 janvier 1801) par Lamothe, notaire à Vidouze. Jean Moulonguet est dans son lit, malade ; il mourra trois jours plus tard. Après avoir déclaré qu’il a deux enfants vivants avec lui : Jean et Pierre André, ainsi que sa femme Rose Lafitte, il s’occupe d’abord de cette dernière ; il lui lègue le logement, nourriture, entretien de la maison Moureu. Au cas où elle ne voudrait pas cohabiter avec ses enfants, il lui lègue en jouissance la maison Larribau avec parc, jardin, dépendance et verger ; l’une des chambres de la dite maison sera garnie d’un lit, cabinet à deux portes fermées à clef, une table, six chaises ; en outre, elle disposera de tout ce qui sera nécessaire à un petit ménage de deux personnes, car elle aura besoin d’un service, et voici le détail de ce nécessaire : le lit sera garni de deux couettes, matelas, coussin, contrepointe, couverture de laine et rideau de cotonnade ; elle recevra annuellement, à titre de pension alimentaire, douze sacs de blé froment, quatre petites barriques de vin crû de Vidouze, la moitié d’un cochon gras à Carnaval, six oignons gras à « la tuerie », six chars de bois pour son chauffage et soixante faix de sarments, une mesure de graines de lin. Toutes ces denrées lui seront portées à la maison Larribau, sauf le lin qui lui sera délivré « au sol ». En outre, elle recevra douze linceuls (quatre de lin et huit d’étoupe), deux nappes, et elle sera habillée de deux ans en deux ans « de la tête aux pieds suivant son état ». Jean Moulonguet lègue en outre, à son frère cadet qui réside avec lui, la moitié du revenu du moulin qu’il possède avec lui et qui est indivis entre lui et le « citoyen » Broca de Lembeye, mais à charge par lui de donner annuellement la cinquième partie du revenu de sa part dans le dit moulin à leur mère commune en sus de la pension viagère dont il a été parlé ci-dessus. Il donne ensuite le quart de ses biens par préciput à Jean, son fils premier-né, le reste de sa fortune se divisant entre ses deux enfants.

                  On peut déjà, grâce à ce testament et à l’importance du legs en usufruit fait à la mère de famille, apprécier l’aisance qui devait régner en 1801 dans la maison Moureu habitée par Jean Moulonguet n° 4, sa femme, son frère cadet et ses deux fils. Ainsi que nous l’avons précisé, le testateur, malade, au lit, meurt trois jours plus tard. Il était âgé de 65 ans. Sa femme ne décèdera que 20 ans plus tard. L’aîné de ses fils a 21 ans, le cadet 18.

                  Il est certain que Rose Lafitte a eu l’intention d’habiter la maison Larribau ; car quatre ans après la mort de son mari, intervient un accord entre son fils aîné et elle-même, retenu par Lamothe notaire le 24 thermidor an XII (1805) dans lequel il est dit que la mère devait aller habiter la maison Larribau ; or cette clause du testament de son père gêne le fils aîné pour les besoins se son exploitation, et il propose à sa mère d’échanger cette maison contre celle dite « A Germenau » à Luc Armau. Celle-ci accepte. Rose Lafitte a-t-elle réellement habité cette demeure ? Pensait-elle qu’une cohabitation avec sa belle-fille l’y obligerait dès le mariage de son fils aîné ? Nous ne possédons aucun renseignement à ce sujet, et nous ne pouvons noter qu’une seule précision : Rose Lafitte n’est pas morte à Luc Armau, mais à Vidouze le 13 février 1821, donc seize ans après l’accord avec son fils, et quatorze ans après le mariage de ce dernier.

                  Si nous continuons à examiner le mode de vie de cette famille après la mort de son chef, nous constatons qu’après 1801, il reste donc dans la maison Moureu, la veuve, un frère cadet de Jean Moulonguet n° 4, célibataire, âgé de 54 ans, et les deux fils encore célibataires. Le 25 brumaire an XIV (1807), l’aîné se marie. Le second reste encore à Vidouze jusqu’en 1810, époque de son mariage et il va habiter à Moncaup au domicile de sa femme. Cette situation, probablement prévue un an à l’avance, oblige les deux frères à procéder le 6 octobre 1809, par l’intermédiaire de Mieussens, notaire à Lascazères, à un partage des biens de leur père, en se conformant au testament de 1801. Dans cet acte, ils déclarent que jusqu’à ce jour ils sont restés dans l’indivision et qu’ils ont partagé les fruits et les intérêts d’un commun accord ; ils veulent maintenant jouir chacun de leur part et se décident à un partage gré à gré, « tant pour ménager les frais que pour ne pas mettre en évidence aux yeux de toutes personnes la consistance des biens à diviser ». On pratiquait donc déjà, à cette époque, le secret de la vie privée des familles et de leurs héritages. La part de Pierre André cadet est la seule indiquée : immeubles : 20 hectares environ, la plupart situés à Moncaup quartiers Médrano et Valentin, près de la route de Vidouze à Lascazères – Capitaux : 12 248 frs en diverses créances. Le mobilier est partagé à l’amiable sans aucune précision. Pierre André déclare, en outre, avoir en main d’autres titres qui proviennent de ses propres placements.

                  Si cet acte de partage a été établi sincèrement, et, étant donné que Jean Moulonguet aîné a reçu le quart par préciput, on peut établir ainsi la consistance de la succession de Jean Moulonguet n° 4 :

                  Pierre André reçoit la moitié des 3/4 de la succession, soit : 20 hectares (immeubles) et 12248 frs ( créances). Les 3/4 de la succession est donc le double, soit 40 hectares et 24500 frs. En divisant le chiffre par 3, on aura le quart en préciput, soit 13 hectares et 8150 frs. La succession entière représente donc 53 hectares et 32650 frs.

                  La somme en capitaux paraît bien inférieure à celle indiquée pour les placements par les actes notariés (50410 frs). Il faut en conclure, ou que ces placements effectués par le père de famille ont été défectueux ; ou que les deux frères ont pu partager à l’amiable, en dehors du partage officiel, des sommes d’argent liquide, du bétail, ou des capitaux placés par des actes sous seing privé dont l’usage était déjà admis. Cette dernière hypothèse paraît la plus probable ; s’ils étaient, en effet, obligés pour assurer la propriété de leurs immeubles, de partager officiellement tous les biens ruraux, Jean et Pierre André avaient plus de certitude pour les créances ; il semble qu’on peut en trouver une preuve dans la déclaration faite par Pierre André dans le partage Mieussens où il reconnaît avoir déjà des capitaux en propre qui ne pouvaient lui venir que de l’exploitation commune à laquelle il s’était livré avec son aîné.

                  Pour en terminer avec l’étude de cette quatrième génération, il est indispensable de noter ici l’activité de l’oncle célibataire qui a vécu toute sa vie dans la maison natale et y est mort auprès de l’aîné de la famille ; l’état civil lui donne à sa naissance (10 novembre 1747) le nom de Jean du Moureu dit Gabaix, et il décède le 4 décembre 1825. Grâce à la part d’héritage qu’il a reçue de son père, logé et probablement hébergé par son neveu, il a pu se livrer à quelques tractations financières personnelles dont on trouve trace dans divers actes notariés. Le 1er mars 1786, il prend un pré à bail à ferme avec faculté d’achat. En 1792, il donne des animaux à cheptel à un sieur Ducassou de Lalongue. Le 1er thermidor an III, il donne quittance à Labalette de Luc d’une somme de 90 livres qu’il lui avait prêtée. Le 12 pluviôse an VIII, il accepte d’être le mandataire d’un de ses parents Jean Moulonguet Pouchotte (tableau généalogique n° 6) qui s’apprête à partir pour l’armée comme conscrit. Il gèrera ses biens pendant son absence. Dans le courant de la même année, il achète un pré et un labour. Enfin, le 27 fructidor an XI, il fait son testament chez Lamothe, notaire ; il lègue à son neveu Pierre André une somme de 2000 frs, à un autre neveu Péborde Dousse de Bentayou (tableau généalogique n° 4) deux pièces de terre sises à Bentayou et Maure ; et il institue Jean Moulonguet Moureu n° 5 comme héritier général et universel.

                  Cet oncle Moulonguet serait-il celui qui, d’après certaine tradition familiale, aurait gagné beaucoup d’argent comme commissaire des guerres ? Il peut l’avoir été, puisque de toute la famille, il était dans la force de l’âge entre 1792 et 1814 ; de plus, c’est le seul qui, parfois dans les actes notariés, est qualifié de négociant. Il nous semble, cependant, que le détail de ses tractations financières ne permet pas d’adopter cette hypothèse ; s’il avait fait fortune dans les fournitures de l’armée, il aurait laissé un avoir beaucoup plus important, et son testament ne peut que corroborer cette opinion.

 

V

 

                  Nous avons vu, dans le § précédent, que Jean Moulonguet Moureu n° 4 a eu deux fils : Jean, l’aîné ; Pierre André, le cadet. Domiciliés tous deux à Vidouze au moment de la mort de leur père, ils vont se marier et iront tous deux prendre femme à Moncaup. Jean épouse en effet, le 25 brumaire an XIV (1807) à Moncaup, Marie Anne Duviau et l’amène vivre avec lui à Vidouze. Pierre André se marie également à Moncaup le 13 décembre 1810 avec Marie Duffau Bouscassé et il établira son domicile définitif dans cette maison dont sa femme deviendra l’héritière.

                  Jean Moulonguet Moureu n° 5 n’a pas d’enfants. Il a hérité du quart par le testament de son père : il possède une large aisance. Il sera l’oncle à héritage de la famille et il avantagera spécialement le quatrième enfant de son frère qui est venu, par son mariage, s’installer à Vidouze dans la propriété de Lacaze.

                  Il nous semble inutile, à partir de cette génération, de donner des détails sur le patrimoine de cet ancêtre et des suivants, car toute la famille est au courant de cette situation. Il suffira donc d’analyser son testament ; mais avant de poursuivre notre étude sur ce point, il est nécessaire de donner une vue d’ensemble sur la vie de famille des deux frères.

                  Un événement important et inattendu se produit tout d’abord dans l’existence de Jean n° 5. Le 15 mars 1814, un sieur Duville, tailleur d’habit à Vidouze, vient déclarer à la mairie qu’il a trouvé exposé devant son domicile un enfant de sexe féminin âgé d’environ 8 à 10 jours. Le maire dresse l’acte d’état civil, donne à cet enfant les prénoms de Marie Justine et le confie à la garde des époux Duville. Or nous retrouvons cette enfant quelques années plus tard au domicile de Jean Moulonguet. Elle y est domestique. Le 11 octobre 1840, elle se mariera avec Jean Navères Baron, également domestique dans la maison Moureu. Nous verrons plus tard quelle répercussion aura cet évènement sur les dispositions testamentaires du maître de maison.

                  Par ailleurs, il n’est pas douteux que, par sa situation honorable, son autorité et son rang dans la commune, Jean Moulonguet Moureu a acquis l’estime de ses concitoyens et participé au plus haut degré à la vie publique de Vidouze. Depuis l’année 1808, il est maire par le vote presque unanime de ses administrés. Aux élections du 15 juin 1843, il obtient 79 voix sur 83 votants ; il est nommé maire par le préfet et prête serment de fidélité au Roi. Même résultat en 1846 au renouvellement des conseillers municipaux M. Bascle de Lagrèze, notaire à Larreule et délégué par le préfet lui fait, à nouveau prêter serment en qualité de maire et lui adresse les paroles suivantes : « Monsieur, par la manière dont vous avez rempli vos fonctions pendant plusieurs années, vous vous êtes acquis des droits à la confiance des habitants de votre commune et à celle de l’administration. Par votre réélection, Monsieur le préfet n’a fait que sanctionner le choix de vos administrés qui rendent journellement justice à votre sagesse et à votre probité ; le passé garantit l’avenir ; vous ferez bien ce que vous avez toujours fait et l’estime publique sera votre douce récompense. »

                  Jean Moulonguet Moureu décède à Vidouze le 4 août 1849 à la survivance de sa femme. Il n’avait pas tout à fait 69 ans. Depuis les 9 et 16 février 1849 (actes Bascle, notaire à Larreule), il a des accès de goutte qui l’empêchent de signer. Cet état s’est amélioré à la veille de sa mort ; le 2 août il signe de nouveau, mais son écriture est toute tremblée ; il fera de même pour son testament qui est du 24 juin de la même année.

                  Par ce testament, il lègue à titre particulier :

1 - aux époux Navères Baron, ses domestiques dont la femme, enfant trouvé, a toujours vécu chez lui, la maison Moureu, 20 hectares de terre et une partie du mobilier,

2 - à sa femme la moitié de la jouissance des biens légués ci-dessus aux Navères Baron,

3 - à Sabine Moulonguet épouse Dominique Laurens, sa nièce de Monpezat, une somme de 6000 frs

4 - à son neveu Paul Moulonguet de Moncaup, pareille somme de 6000 frs,

et il institue comme héritier général et universel, son autre neveu Jean dit Fanfan Moulonguet de Moncaup qui, depuis l’an 1845, est venu se marier à Vidouze dans le domaine de Lacaze et y a installé son domicile définitif.

                  Marie Anne Duviau vécut encore dix-sept années après le décès de son mari ; elle s’éteignit à Vidouze à l’âge de 84 ans le 25 novembre 1866. Par suite de ce décès, la maison Moureu cesse de s’appeler Moulonguet ; elle avait abrité cette famille depuis le mariage de Jean n° 3 avec Jeanne Gabaix, c’est-à-dire pendant 130 ans. A l’avenir le nom de Moulonguet se transportera sur la maison Lacaze avec Jean dit Fanfan.