Paul et Marie-Thérèse

                                            Henri (1856-1912)

                                         Louise Darigol (†1946)

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               Paul (1887-1972)                                   André (1887-1983)

         M.Thérèse Lampre (†1948)                   Aline Boucher (†1979)

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François    Marie-Louise     Jean               Henri     Maurice     Jacques

    (1923)          (1925-1989)       (1928)                (1920)        (1921)          (1926)


André Moulonguet écrit (dans les années 1968):

Paul est l’aîné de la branche aînée puisqu’il naquit une demi-heure avant moi, le 9 janvier 1887 à Pau.

 

Il fit de très brillantes études au lycée de Pau. Bachelier à 15 ans et demi, il fit ses études de droit à Paris et fut reçu docteur en droit en 1908 avec une thèse sur la souveraineté du Béarn sous l’ancien régime. Ses professeurs l’incitaient à préparer l’agrégation de droit, mais il préférait être notaire et entra comme clerc dans l’étude Champetier de Ribes.

 

François Moulonguet écrit (oct. 98) :

Dans cette étude parisienne se retrouvaient généralement des clercs stagiaires non rémunérés originaires des Pyrénées Atlantiques (Basses Pyrénées à l’époque).

 

André M. (suite) :

Sans aucun prodrome, le 18 octobre 1909 au lever il fit une grosse hémoptysie devant moi, nos parents étant encore à Moncaup… Le docteur Faisans l’envoie au sanatorium de Lamothe Beuvron, puis à Moncaup où il soigne pendant trois ans et guérit.

Réformé pendant la guerre, il travaille gratuitement à la préfecture pour se rendre utile.

En novembre 1919, il achète l’étude Roquebert de Bayonne, et quitte Pau où il habitait avec notre mère dans l’appartement de notre grand-mère Pascaline Darrigol décédée le 4 juillet 1915.

 

Le 26 avril 1921 Paul épouse à Tarbes Marie-Thérèse Lampre, dont il aura trois enfants : François né le 21 décembre 1923, Marie-Louise, dite Malou le 8 août 1925 et Jean né le 27 octobre 1928.

Marie-Thérèse meurt le 22 septembre 1948 à Tarbes.

Pendant la guerre de 39-45 Paul vint à Paris pour une affaire de son étude. C’était le lendemain du bombardement des usines Renault par l’aviation anglaise, et je l’emmenais voir les dégâts. Le dimanche suivant, revenu à Bayonne, après la messe à la cathédrale, il rencontre son ami le président Darroze, magistrat distingué, qui causait avec un inconnu :

- “ J’arrive de Paris et j’ai été voir les traces du bombardement des usines Renault : c’est du beau travail ! ”

Alors l’inconnu, qui était le nouveau procureur qui venait d’arriver à Bayonne, s’exclame en ameutant la foule :

- “ C’est insensé, alors monsieur, vous êtes pour les ennemis de la France ! Vous êtes communiste ! … ”.

Paul ne répondit rien, mais quelques semaines plus tard la Gestapo vint l’arrêter et l’amener à la villa Chagrin, nom de la prison de Bayonne. Là, il se rappela qu’il avait laissé un revolver dans le tiroir de la table de nuit de sa chambre, ce qui l’inquiétait fort, craignant une perquisition de police. Dans sa cellule se trouvaient deux détenus, l’un qu’il connaissait et estimait, l’autre qu’il ne connaissait pas. Après avoir hésité, il demanda discrètement au premier s’il pensait que l’inconnu, qui devait être libéré le lendemain, était un “ mouton ”. Sur une réponse négative, il demanda à l’inconnu de prévenir François pour qu’il jette le revolver dans l’Adour. François ne vit jamais l’inconnu, mais deux jours après la Gestapo faisait une perquisition  dans la maison. Heureusement que François, prudent, avait dès l’arrestation de son père, fouillé la maison et jeté le revolver dans l’Adour…

L’intervention de notre cousine Elisabeth Sauvy « Titayna », amie de Me Abetz, permit la libération de Paul.

 

Paul aimait beaucoup le tennis et ce fut lui qui eut l’idée de créer une section de tennis à l’aviron Bayonnais et pour cela d’utiliser les fosses des remparts de Bayonne.

 

 

Jean Moulonguet écrit (été 98) :

Paul était président du Tennis Raquet Club de Bayonne. Ce club avait des problèmes financiers et juridiques. Après échanges épistolaires avec oncle Albert à Amiens, Paul réussit à faire de ce club un secteur du club omnisports l’Aviron Bayonnais dont il sera vice-président pendant des dizaines d’années. L’idée de créer des tennis dans les remparts de Bayonne lui était venue à la suite de conversations familiales, et parce qu’il savait que cela s’était fait à Boulogne sur mer.

 

 

François Moulonguet parle (été 98):

 

PAUL ARRETE PAR LES NAZIS, ET EN PRISON

Papa avait mis en prison pendant la guerre, par la Gestapo. Papa, qui était austère de nature, pessimiste, qui était inquiet, avait été dans cette circonstance d'une sérénité admirable. Il avait été mis au secret par les Allemands, nous ne savions pas où il était. Il avait été mis seul dans une cellule, pas de quoi lire, pas de quoi écrire, lui qui avait une vie encombrée d'occupations, a organisé son temps de cellule : prière et méditation, séances de gymnastique et il s'est mis à composer des vers ! Il s'est mis à composer des sonnets, et ça lui prenait beaucoup de temps parce que ne pouvant pas écrire et n'ayant pas de mémoire, avant de retenir ce qu'il avait écrit et poursuivre...

Nous nous en sommes aperçu lorsque, l'ayant enfin localisé, nous lui avons rendu visite en prison et lui avons apporté, je ne sais plus, peut être des oranges, en tout cas un livre. Lorsque nous sommes retournés le voir, il nous a rendu ce livre. A la maison, j'ouvre ce livre, et je tombe sur une page transpercée de trous d'épingles : "Qu'est-ce que c'est que ça ?" On a fini par déchiffrer qu'il avait transcrit une de ses premières poésies. Ce n'était pas un secret d'état, c'était un sonnet sur Moncaup. Lui qui avait horreur de perdre son temps, je l'imagine en train d'écrire à la pointe d'épingle...

Cette retraite forcée avec les angoisses qu’elle entraînait lui avait fait reconsidérer sa vie, s’attacher aux valeurs essentielles. Il n’en gardait pas un mauvais souvenir.


Sonnet de Paul (écrit en trous d’épingles)

 

Moncaup

 

Cortiade et Bouscassé, nom des chères maisons

De Moncaup en Béarn, où a grandi ma race,

Vous évoquez pour tous la beauté des saisons,

Les Pyrénées d’azur scintillantes de glace,

 

La splendeur automnale empourprant l’horizon,

La liqueur d’améthyste et d’or des vieux flacons

Versant l’esprit plus vif et la joie dans les tasses

Et les vols des ramiers triomphants de l’espace

 

Se posant à Berdale, et bleuissant les chênes !

Mais cet étrange émoi qui à ces lieux m’enchaîne

Et qui trouble mon cœur, comment prend-il son cours ?

 

Maisons, pays béni, sainte terre marraine,

Vous êtes plus pour moi, nostalgie souveraine,

Vous êtes ma jeunesse et mon premier amour !

 

 


autre sonnet :

 

Hérédité

 

Notre âme est un complexe où de nombreux ancêtres

Mélangent leurs instincts innocents ou coupables

Les plis de leurs métiers soit vils soit honorables,

Les goûts qu’en leur vivant ils ont laissé paraître.

 

C’est ainsi que je sens tour à tour en mon être

Un béarnais subtil et un basque indomptable.

Et consulter nos goûts devrait aussi permettre

D’évoquer des aïeux une idée très probable.

 

Les miens furent surtout attachés à la terre

Où vole ma pensée pour aussitôt qu’elle erre.

Si j’aime en leur beauté, les bois, prés et labours

 

Que caressent variés les jeux de la lumière,

C’est en paysan que j’aime une vigne prospère,

Et le retour, le soir, des vaches aux pis lourds.

 

(prison de Bayonne, avril 1943)


L'ARRESTATION

Papa avait été à Paris, et son frère l'avait amené je crois vers les usines Renault où il y avait eu un bombardement, et il avait pu constater que le bombardement avait porté uniquement sur les usines et pas ailleurs. Rentré à Bayonne, à la sortie de la messe, il voit un ami (M. Darroze, président du tribunal) et lui raconte avoir vu ces bombardements qui sont "du travail bien fait". Le procureur de la république, qui se trouvait à côté de lui, l'invective en public et le traite de mauvais Français.

Puis les Allemands sont venus l'arrêter. Il est d’abord conduit à la Maison Blanche, villa de Biarritz servant de prison aux Allemands. Nous étions anéantis. En prison, il s'est rappelé que des balles de revolver étaient restées à la maison dans un tiroir. Quand papa a été arrêté, immédiatement j'ai fait une inspection et j'ai trouvé ces balles de revolver, et je les ai cachées dans le grenier, dans un vase de faux Sèvres. Pendant ce temps là, papa en prison, se préoccupait aussi de ces fameuses balles. Comme il avait un type qui s'était présenté à lui en prison, et qui sortait, il lui avait dit : "Si vous avez l'occasion, dites à ma famille, que je ne sais pas si je n'avais pas des balles de revolver", enfin une phrase de ce genre. Ce type était probablement un mouton et n'a jamais fait passer aucun message. Par contre les Allemands sont venus perquisitionner à la maison , sans doute à la recherche de ces balles... Moi je n'étais pas très courageux, j'avais l'impression qu'on était surveillés de partout. Mais j'avais une marraine qui était courageuse, Marie Fourcade, qui habitait la maison à côté de nous, qui était une vieille fille très vaillante et très proche. C'est elle, avec son goitre et ses opulences excessives charnelles, qui a mis les balles dans son sac à main de vieille dame, et est allée sur un pont de Bayonne, jeter son petit paquet... Elle nous avait débarrassés!

Les Allemands sont revenus et nous ont interrogés sur l’existence de balles de revolver que nous avons dit ignorer…

Papa, après quelques jours à la Maison Blanche, avait été transféré à la prison de Bayonne et mis au secret. Pendant des semaines, nous n’avons pas su où il se trouvait, ce qu’il était devenu.

 

Jean écrit :

François s’était précipité à Paris chez André et Aline demander du secours, avait rencontré avec Aline le curé de Saint Charles de Monceau et surtout Elisabeth Sauvy , « Titayna » en littérature (auteur de « Voyage autour de mon amant »), alors épouse du docteur Desmarest, petite cousine par Louise Moulonguet née Darrigol, qui était en relation avec des Allemands et a promis de faire des démarches. Au retour, il avait essayé, mais en vain, de savoir si son père était détenu au Fort du Ha à Bordeaux. On sut enfin, après quinze jours d’angoisse, que Paul était détenu à Bayonne, et il fut possible de le visiter. Il fut libéré assez rapidement, et les vacances de Pâques 1943, qu’il passa  à Moncaup, quelques jours après sa libération, furent idylliques pour lui et Marie-Thérèse.

 

 

François parle :

LE PROCUREUR

Le procureur a été mis en prison à la Libération... et il a demandé à papa de lui délivrer un certificat de moralité ! Il avait trouvé ça un peu audacieux, quand même...

 

PARADOXE

Papa était très indépendant de caractère, et je pense que s'il n'avait pas été arrêté par les Allemands, il aurait peut-être eu des ennuis à la Libération. Il n'était pas pétainiste, mais il admettait que Vichy avait fait d'excellentes choses, les idées travail-famille-patrie lui convenaient tout à fait. Moralement, il n'était pas du tout opposé au régime de Vichy, il était opposé aux Allemands.

 

PONTIFEX MAXIMUS

Sa cousine Marguerite Lemée avait reconverti les initiales "P. M." de papa en "Pontifex Maximus" : il avait tendance à arbitrer, à décider, du bien et du mal, en particulier il prenait au sérieux le rôle d'aîné qui était sien. D’ailleurs il disait souvent : « C’est agaçant d’avoir toujours raison ! ».

 

L'AINE DE LA BRANCHE AINEE

 Oncle André, à ce propos, était un frère merveilleux. En 1972, alors que Paul était bien fatigué, André venait demander gentiment la clef du chai à son frère, pour aller chercher le vin, et venait la lui ramener, comme à un "chef". Je trouvais oncle André, qui avait une grosse situation à Paris, d'une gentillesse extraordinaire.

 

LES ADIEUX

Papa a eu un malaise à Moncaup. Nous avons appelé oncle Pierre à Monpezat et le médecin de Lembeye en consultation, puis avons décidé avec lui de revenir en voiture à Bayonne. Jean conduisait, il lui a fait faire un tour de la Cortiade. Arrivés à Bayonne, nous avons eu un peu de mal à le sortir de la voiture et à monter avec lui dans l'ascenseur. Finalement, on a réussi à le hisser jusqu'au troisième étage, il était content d'être dans son lit, et puis il est mort... Il était heureux d'être arrivé, il a vu la Cortiade, ceux qu'il aimait... Il est mort ses trois enfants étant là, j'ai trouvé que c'était très émouvant.

 

ANDRE ET PAUL

André était plus optimiste que Paul. Il voyait toujours le bon côté des choses, était toujours gai. Oncle André lui apprenait des danses lorsqu'il allait le voir à Paris. A 65 ans, oncle André prenait encore des leçons pour être au courant des dernières danses, ce qui était inimaginable pour papa...

 

Maurice Moulonguet : :

Est-ce que ce n'est pas la maladie qui avait secoué ton père, qui avait transformé son caractère ?

 

François Moulonguet :

RIGUEUR

Certainement, parce qu'il a été tuberculeux. Il a été pris par la tuberculose en 1909, ses parents sont venus, sa mère est venue s'installer avec lui à Moncaup et Pau, André est resté à Paris. Papa a vécu plusieurs années à se soigner. A côté de la Cortiade, on lui a fait un petit pavillon de tuberculeux, on le portait là avec une petite voiture, il se mettait au soleil... Il paraît que quand ses cousins venaient, ou son frère, on ne lui aurait pas sorti un mot, pour ne pas fatiguer ses poumons. Il s'alimentait comme on lui avait dit de le faire, il était d'une rigueur extraordinaire, il ne se serait jamais permis le plus petit écart. A un régime de suralimentation, il substituera plus tard un régime de restrictions. Le tennis, l’escrime étaient à la fois distraction et disciplines d’hygiène.

 

Yvon Joly parle (été 98) :

Aïtachi (grand-père, en basque) commençait toujours ses repas par un « bouquet » de persil, parce qu’il pensait que c’était bon pour sa santé. Je me rappelle du bruit qu’il faisait en le mâchant…

 

François M :

VOLONTE

Après, il a repris, petit à petit, du point de vue physique, l'entraînement, il a rejoué au tennis. Ça l'a beaucoup emmuré dans un certaine solitude, augmenté son énergie, je crois que cela a certainement marqué son caractère.

 

GUERRE

La guerre 14-18 a été un épreuve pour lui, parce qu'étant malade, il n'a pas pu "la faire". Son frère, ses cousins, tout le monde a fait la guerre de 14, pour lui c'était terrible. Il a travaillé gratuitement à la préfecture de Pau, pour aider, mais il se sentait hors du coup. Et quand il a eu des enfants, il voulait absolument que je fasse la préparation militaire, il fallait absolument que ses fils fassent leur service...

 

"BETISER"

Pendant les grandes vacances, papa nous disait :"Il ne faut pas bêtiser". Bêtiser, c'était ne rien faire, ou faire des choses idiotes. Pour lui, il fallait ou bien travailler, ou bien se distraire activement, en se cultivant, faisant des choses, mais activement !

Nous allions tous les ans en vacances à Cauterets. Papa ne prenait que dix jours de vacances avec nous, puis il repartait travailler. Puisqu'il avait la chance de nous avoir sous la main, Marie-Louise et moi, dès le premier jour des vacances, il nous emmenait dans la montagne avec son livre de latin, un à droite un à gauche, et on faisait du vocabulaire latin ! Et il était très soucieux, après, de ce qu'on allait "bêtiser" quand il ne serait pas là. Lorsque nous le retrouvions à Moncaup, il nous reprenait pour le latin...

Ça nous a beaucoup aidé. Si je n'avais pas eu cet aiguillon... Mon père m'a terriblement aiguillonné, à longueur de vie, jusqu'à un âge avancé : "Tu devrais ceci...tu ne crois pas que tu devrais, etc."

 

Mapé :

"On pourrait aller chercher des pommes", et lui il allait voir des métayers et parler avec eux, et pendant ce temps, "on" ramassait des pommes, "on" remontait les pommes, "on" jetait les pommes pourries, à peu près les trois quarts...

 

François :

Ils ont toujours eu ce goût agricole. Papa, qui habitait dans un appartement, a toujours aimé la terre et les choses de la terre. Il s'intéressait à ses propriétés dont celle de Moncaup, essayait d'apporter des progrès, il a planté beaucoup d'arbres dans sa vie. Oncle André s'y intéressait moins. A Moncaup en 1930, ils avaient provoqué et mis au point l’adduction d’eau qui avait permis à notre quartier d’avoir l’eau courante .

 

Maurice :

Oui, mais dès que son jumeau lui proposait quelque chose, il fonçait...

 

Mapé :

Quand mon beau père disait : "On va faire une étable modèle", André disait : "Je suis d'accord, mais on refait trois chambres..."

 

François :

Oui, parce que ça ne l'intéressait absolument pas de refaire des tapisseries. C'était la plaisanterie classique, lorsqu'oncle André arrivait à Bayonne : "Alors, il paraît que tu refais la tapisserie de ton salon, Paul ?"….

 

BLAGUES

Papa mettait parfois beaucoup de soin à préparer une blague, un poisson d’avril, avec des complices aussi sérieux que lui !

 

Teuteur parle (fév 99) :

Paul était un homme pas ordinaire du tout. Il avait ce côté sévère, il était royaliste, légitimiste, il disait le soir un rosaire, dans sa chambre, et c’est long, un rosaire ! et tout le monde, à genoux, répondait, y compris la vieille bonne ! En même temps, il avait un esprit, il nous sortait de ces trucs, tordants ! Et ça sortait, comme ça ! On se demandait comment d’un homme aussi sérieux pouvaient sortir des choses aussi drôles. Il aimait plaisanter.

 

FAMILLE

François (été 98):

La famille, proche ou lointaine, vivante ou passée, était son cadre d’affection et d’amitié. C’était un culte chez lui.

 

OPINION

Teuteur parle (printemps 98) :

 

Oncle Paul était royaliste comme il était chrétien : pur et dur. Il était pour un Bourbon Parme. Il disait que c’était la vraie descendance. Il écrivait tous les ans à papa pour lui souhaiter une bonne année et ça se terminait toujours par “ Que Dieu te garde, ainsi que ta famille et tes biens ”. Alors maman riait, et disait : “ Il n’oublie jamais les biens ! ”.

 

 

 

François M. écrit (oct 98) :

 

Papa était monarchiste. Il ne l’était pas par tradition familiale mais par conviction intellectuelle, à la suite de Maurras(1) et de son enquête sur la monarchie. Lecteur fidèle de l’Action Française, il appréciait l’intelligence active, la passion nationaliste et la culture humaniste de Maurras (1). Il admirait Bainville(2) dont chaque livre lui apportait des éclairages lumineux sur les personnages et les événements de l’histoire. Mais il n’avait pas d’activité politique, n’appartenait pas à un parti. Il essayait de démontrer à son entourage familial et amical la justesse des thèses de l’Action Française. Ses idées se sont trouvées être en harmonie avec celles de sa belle-famille.

 

------------------MARIE-THERESE----------------

Maman était d’une grande bonté, d’une transparente droiture. Elle était d’une humeur égale, aimant son mari, ses enfants, veillant à leur bien-être.

Si quelqu’un était malade, elle, la toujours bien portante était aux petits soins, utilisant les compétences de dame infirmière acquises pendant la guerre de 14-18 au service des blessés à la gare de Tarbes.

 

Jean M. écrit (oct. 98) :

Jean, asthmatique, en abusait un peu.

 

François (suite) :

Elle savait sévir et tracer la bonne conduite d’une main expéditive. Elle savait les goûts et gourmandises de chacun.

Elle priait et nous entraînait à la prière très naturellement. Elle vouait un culte à sa famille, mais avait beaucoup de bonheur et d’affection au milieu des Moulonguet.

Elle suivait son mari dans ses souhaits : choix de vacances, achats de meubles, promenades hygiéniques le soir à la sortie du travail, régimes alimentaires.

Elle régnait en douceur sur sa maisonnée, maison accueillante, personnel de service apprécié et heureux, économie domestique sagement organisée, sentiment de sécurité donné à tous et à chacun.

Et les vacances pendant lesquelles la vie familiale se resserrait et s’intensifiait étaient des périodes de bonheur.

Pendant la guerre, elle a davantage prié, pris sur elle, s’est sacrifiée aux autres.

L’été 1948, elle était fatiguée, pensait que cela tenait à son âge, est partie avec François chez sa mère à Séméac à côté de Tarbes avec l’idée de s’y reposer. Examens médicaux. La saison de Moncaup commençant le 1er septembre, elle dit à Paul d’y aller tout simplement selon ses habitudes, en lui faisant des visites à Séméac. Marie-Louise était au pair en Angleterre, Jean à Paris. En quelques jours elle est décédée, laissant un vide irréparable.

 

Marie-Louise est devenue maîtresse de maison auprès de son père jusqu’à son mariage en 1952, avec les mêmes vertus que sa mère.

Paul avait le sentiment que sa femme comme sa fille étaient des êtres d’exception par leurs qualités morales et avait cru nécessaire de mettre en garde son fils François : « Connaissant ta mère, connaissant ta sœur, tu ne sais pas ce que sont « les femmes », méfie-toi ! »